Arts et Mythes

Une sculpture sillonne le monde depuis plus cent ans, hors des cathédrales et des églises. Il s’agit d’une modeste sculpture en bois, mais elle est la plus célèbre, la plus connue et peut-être la plus aimée.

Elle a été réalisée par un humble artisan, très simple, qui a fait usage du peu de matériel qu’il avait à disposition.

Dès lors cette sculpture n’a cessé de nous fasciner et de susciter en nous quelques points d’interrogations.

De quelle sculpture s’agit-il donc ? Il s’agit de Pinocchio, évidemment !

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L’univers tout entiers est sous le charme de Pinocchio. Aux dires de l’Unesco à la fin des années 90 le texte de Collodi a été traduit en 240 langues.

Cette admirable marionette a été capable de s’implanter dans l’imaginaire de plusieurs milliards de personnes, représentant leurs rêves, leurs fantasmes, suggestions et chagrins…. Afin d’ incarner une figure mythique, indissoluble dans le temps et dans l’espace.

Et cette sculpture n’existe même pas, elle n’a pas besoin d’être là pour exister, sa présence n’est pas necessaire car son mythe se substitute à elle dans le coeur et l’esprit de chacun de nous.

Je suis parvenu à ces innocentes considerations en réfléchissant aux questions que se posait Ludwig Wittgenstein lorsqu’il se demandait ce qui restait après le language ; c’est la même question que s’est posé Theodor Adomo, bien que de manière différente, lorsqu’il s’interroge sur ce qui perdure après la théorie.

Mais quand est-ce que language et concept ne nous appartiennent-ils pas ? Quand il est ardu de nous y reconnaître ? Peut-être parce qu’il n’ont alors aucune dignité en soi ? Leur dignité consiste-t-elle seulement dans le fait de se miroiter en nous ?

Also from the collection is the following photograph by Ulli Beier, from his Yoruba Children series.

 Ulli Beier, from his Yoruba Children series.

Un illustre personnage du panorama de la pensée occidentale a déclaré que les populations tribales sont hors de la civilisation, les “nègres” de façon particulière : C’est Martin Heidegger qui l’a écrit et Friedrich Nietzsche a produit une pensée similaire avant lui.

Pour Heidegger, en fait, ces populations ne peuvent être considérées partie intégrante du monde civilisé car elles sont incapables d’une historiographie propre qui puisse légitimer leur appartenance à la civilisation: d’après ce penseur moulé à l’antisémitisme, dont l’adhésion au national-socialisme a été reconnue bien avant la publication de ses Cahiers Noirs, la philosophie n’a pas le rôle de conjuguer théorie et éthique, et par conséquent les choses du monde peuvent bien s’éloigner des réflexions théoriques.

Un bel exemple de nihilisme induit qu’Hitler et le colonialisme occidental ont malheureusement su exalter catastrophes et consequences en toutes les nuances!

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Yaka Children, Congo

Mais l’historiographie, c’est-à-dire la capacité et la possibilité de réfléchir sur sa propre histoire et culture, peut-elle s’exprimer uniquement à travers l’écriture ? L’inexistence d’un code d’écriture détermine-t-il forcément l’absence d’autonomie historiographique ?

Je crois fermement que non, je crois que la modalité d’expression d’une autonomie historiographique puisse consister dans différentes modalités d’expression et qu’une pensée accomplie ne nécessite guère d’une écriture.

Et sur cette voie, la pensée entre autres de Paul Ricoeur appuie ma théorie lorsque ce dernier fait une distinction entre les signes et les symboles linguistiques : les premiers en fait ont fonctionné dans le language comunicatif, alors que les autres permettent d’explorer la signification profonde de l’expérience humaine ; sans parler de Carl Gustav Jung qui a fait des symboles le centre de sa réflexion sur la psychologie des profondeurs.

Depuis longtemps une réflexion systématique sur le “monde des primitifis” a rélégué au placard la pensée hâtive du monde occidental sur le thème ; les travaux de S. Price, C. Geertz, J. Clifford, M. Augé, laissant de côté les pèers fondateurs de l’anthroplogie et de l’ethnologie, ont corroboré les interprétations destinées à faire voler en éclats le “simplificationnisme rédcutif” d’une certaine pensée occidentale de matrice pûrement post-idéalistique.

Ma contribution ici se veut différente : concentrer la réflexion sur la signification herméneutique des créations mystco-religieuses

En d’autres termes, comme notre Pinocchio va au-delà du mythe de “marionette qui se fait homme”, les masques et les sculptures des cultures noires, c’est-à-dire les objets symboliques de la mythographie primitive, passent outre leur apparente valeur représentative et sont le symbole de cette narration que Ricoeur a si magistralment illustré.

Sans doute une interprétation symbolique dépourvue d’écriture pouvant soutenir un tel symbole est-elle ardue en soi. Pour cette raison bien fondée je pense que l’apport critique de l’exégèse artistique des objets de culte est indispensable à l’approfondissement herméneutique.

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Buye sculptures, Congo

En d’autres mots le language écrit, selon ma vision, est remplacé par l’image de l’objet de culte dont la profondeur et la valeur symbolique sont le résultat du produit artistique de l‘objet même. Par conséquent, la qualité intrinsèque d’un produit ( et pour le concept de qualité je vous renvoye à mes réflexions sur : https://artidellemaninere.com/2014/11/08/la-qualite-cet-obscur-objet-de-desir-a-la-recherche-de-la-qualite, est à mon avis la clef d’interprétation de la valeur et du sens del la tradition hiératique/symbolique que ce prix entend représenter).

Sur le plan historique un constat pratique légitime cette affirmation : plus on s’éloigne dans le temps et dans l’espace de la tradition originelle symbolique de l’objet et plus sa décadence qualitative est visible et palpable.

Il est par exemple suffisant de confronter certaines malheureuses sculptures en pierre réalisées par les actuels Kissi de la Sierra Leone pour comprendre combien ces productions sont loin des Nomoli originaires du royaume des Sapi qui donnèrent origine à la tradition. Tout ceci est dû au fait que l’artisan moderne ne sait rien sur la mythologie des Sapi et il est bien loin d’être capable de la représenter.

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A sx, Sapi, XIV-XV sec.   (Courtesy  Sotheby’s)

Certes on peut faire objection en disant qu’il n’est pas suffisant d’être un artiste qualifié ou de réaliser un bon objet pour justifier l’interprétation exacte de la pensée symbolique que l’objet représente . Un produit de qualité, en d’autres termes, n’est pas en soi un gage de certitude sur la valeur symbolique.

Ceci est vrai pour l’artiste occidental qui est guidé en très grande partie par son inspiration créatrice, et bien secondairement ou pas du tout par la valeur de la tradition.

Mais pour l’artiste tribal, un respect très rigoureux de la tradition de la culture d’appartenance est essentiel afin d’éviter la méconnaissance de sa production.

Le devoir de l’artiste est donc de déployer le mieux possible dans ses oeuvres les canons artistiques de sa tradition ethnique d’appartenance, en y apportant naturellement son propre génie et ses capacités manuelles, qui ne seront jamais destinées à transgresser ou à bouleverser les impératifs des canons artistiques reconnus.

Per cette raison, au niveau artistique le plus élevé correspond à mon avis au plus haut degré de représentation du mythe symbolique.

Mais pour ce qui est du rapport entre la qualité artistique et l’herméneutique nous n’en sommes qu’au début.

Elio Revera

Betty Page

Hommage à Magritte. “Ceçi n’est pas l’Afrique”

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