“La nuit, nous avons une autre vie”. Les figures Loumbo du Bwiti

Culte bwiti, Photo Michel Huet 1951ca. (2)Lumbu testa (2)
…un hommage à la beauté des filles Loumbo!

Originaires du royaume du Congo, comme les Vili et les Punu, les Loumbo ont migré, au cours de ces trois derniers siècles, vers la côte sud-ouest du Gabon, entre Ndindi (frontière du Congo) et Mayoumba, s’arrêtant au nord sur la rivière Nyanga et à l’est à Tchibanga.

Hubert DeschampsQuinze ans de Gabon (1839-1853)
Hubert DeschampsQuinze ans de Gabon (1839-1853)

Les Loumbo ont adopté la puissante société initiatique Bwiti des Tsogho voisins, et son support cultuel majeur: les paniers-reliquaires avec la statuette mbumba bwiti, ce qui est une allusion à la protection et au pouvoir.
(Gabon, cultures et techniques, Musée des Arts et Traditions, Libreville, 1969, p. 79 (n° Musée 68. 8b. 2).

Selon toute vraisemblance, le Bwiti initial pris naissance chez les Mitsogho quand après leur tradition orale ils atteignirent actuel territoire du Gabon. A cette époque le Bwiti initial était lui-même issu un syncrétisme qui devait ses origines au culte ancêtres (mombe) revalorisé par la découverte de l’iboga une part et par apport culturel acquis au cours des migrations des Mitsogho autre part. (Gollnhofer O., Sillans R. ,1965).

“Nous avons déjà indiqué que le Bwiti était une «religion», une «grande religion». Son but est de «voir». «Voir comme Dieu a fait le ciel et la terre, tu peux voir Dieu lui-même» ; les aspirants viennent trouver les initiés en les insultant et en demandant de «voir Bwiti» pour entrer dans la secte…
«Voir» est bien souvent entendu en un autre sens que celui d’une vision mystique, avec des préoccupations plus pratiques, lorsque l’on s’entretient de l’intérêt d’entrer dans le Bwiti: celui-ci fait «voir» amis et ennemis et permet ainsi de se défendre contre les entreprises de sorcellerie. On ne voit plus les autres avec leur visage habituel, mais on perçoit leur nature cachée.

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(Photo F. Gaulme, 1972)

L’iboga, (Tabernanthe iboga), plante hallucinogène de la famille des Apocynacées qu’ils consomment à la fois sous forme de râpure et de macération d’écorce de la racine), aurait également pour effet de dédoubler la personnalité: l’initié se voit «de l’extérieur et de l’intérieur» en même temps. Il permet enfin de voir ce qui se passe la nuit, car «la nuit, nous avons une autre vie».
Cette vue privilégiée est symbolisée par le miroir placé au centre des figurines du Bwiti. Un des avantages essentiels procurés par l’entrée dans le Bwiti serait là pour certains de nos interlocuteurs: améliorer sa sécurité personnelle par ce don précieux. Il est d’ailleurs bien connu de la tradition myènè: sous le nom d’okowe, «double-vue», elle l’attribuait aux chefs.
C’est ainsi également que l’on peut avoir recours au Bwiti pour la divination: il devient alors bwiti-misoko, comme le spécialiste du surnaturel, l’oganga, qui devient nganga-misoko lorsqu’il pratique la divination…

Le Bwiti est incostetabliment lié au culte des ancêtres, surtout dans la région littorale Sud du Gabon où une danse publique au moment des funérailles «permet de parler une dernière fois avec l’esprit du mort”. (Gaulme F,1979)

Courtesy You Tube

Pour la connaissance du rituel Bwti, v. Binet Jacques, Gollnhofer Otto, Sillans Roger. Textes religieux du Bwiti-fan et de ses confréries prophétiques dans leurs cadres rituels.. In: Cahiers d’études africaines, vol. 12, n°46, 1972. pp. 197-253.

Culte bwiti, Photo Michel Huet 1951ca.
Culte bwiti, Photo Michel Huet, 1951 ca.

Placés sous la responsabilité du Nganga, à la fois féticheur, juge, médecin, homme de pouvoir, les paniers-reliquaires étaient disposés lors des cérémonies dans une sorte de tabernacle au fond du temple du Bwiti ( mbandja). Ici, chaque trait accentue l’impact visuel signifiant aux initiés la puissance protectrice de l’effigie.
A l’acuité du regard répond la bouche ouverte rappelant l’absorption par les initiés de l’écorce iboga, tandis que la richesse de la polychromie reprend les couleurs dont les initiés se recouvraient le corps. (C.Falgayrettes-Leveau, 2006)

“Or, la représentation la plus ancienne que nous possédions d’un «Bwiti
dans sa case»
de la région du «Fernan-Vaz» est un croquis au crayon de Mgr. Le Roy, qu’il fit probablement en 1893, au cours d’une visite à la Maison Sainte-Anne et d’une tournée dans la lagune et ses alentours.

dessin de Mgr Le Roy
Bwiti dans sa case, (Fernan-Vaz), croquis de Mgr Le Roy, exécuté probablement en 1893, s. d., Archives Spiritaines, Paris (Photo Archives Spiritaines).

La statuette qui y figure évoque nettement les reliquaires bakota, ou mieux balumbo. Ceux-ci sans être ornés de cuivre comme les premiers surmontent cependant, eux aussi, une corbeille contenant les reliques d’ancêtres.
Le dessin de Mgr. Le Roy ne révèle pas la présence d’une corbeille sous la figurine, mais il est fort probable qu’elle se trouvait cachée par l’objet placé en avant-scène et gardé par un personnage accroupi…
Il n’est pas nécessaire de démontrer le caractère traditionnel de ces reliquaires et de leur aspect, d’ailleurs analogue à celui des figurines du bwete mitsogo, mais il convient d’apprécier leur importance sociologique, et mieux, politique, dans les cultures côtières du Gabon.
Andrew Battell nous apprend que, au début du XVIIe siècle, dans la ville de Mani Mayombe (Mayumba) , “il y a un fétiche appelé Maramba, il se tient dans un panier haut fabriqué comme une ruche, à l’abri d’une grande maison. C’est leur maison de religion, car ils ne croient qu’en lui, et gardent ses lois, et transportent toujours ses reliques avec eux”.

C’est là nous semble-t-il une allusion au mbandja, édifice abritant une statue reliquaire du type de celles que nous venons de décrire. Ce genre de culte ne se limite en aucune façon au pays mitsogo et paraît être ancien sur le littoral gabonais.

Listener
Mbandja nkomi, Elomba, Fernan-Vaz, juillet 1972 (photo F. Gaulme).
Modèle assez ancien et de construction soignée. On remarquera les franges de raphia caractéristiques et qui sont liées au culte des morts. Courtesy F. Gaulme

Il est donc facile de lier le culte des ancêtres au Bwiti”.( In the town of Mani Mayombe is a fetish called Maramba, and it standeth in a high basket made like a hive, and over it a great house. This is their house of religion, for they believe only in him, and keep his laws, and carry his reliques always with them). E. G. Ravenstein, The Strange Adventures of Andrew Battell of Leigh, in Angola and the Adjoining Regions, Londres, 1901″ (Gaulme F,1979)

Le récit d’Andrew Battell est écrit et oral. Les versions orales sont présentées en 1613 à l’écrivain et géographe anglais Samuel Purchas qui en publie le résumé avec ses notes: Samuel Purchas, Purchas his pilgrimage, Londres, William Stansby, 1613, une description historique générale du monde. Purchas obtient ensuite le manuscrit d’A. Battell et le publie avec ses propres annotations, additions et altérations en 1625. En 1901, Ernest Ravenstein produit une édition moderne des deux documents, avec des notes d’une précision et d’une pertinence surprenantes, dans The strange adventures of Andrew Battell of Leigh in Angola and the adjoining regions, éd. par E. G. Ravenstein, Londres, Hakluyt Society, 1901.

Les Mbumba Bwiti

“La statuaire lumbu est surtout compose de ststues fétiches (nkisi), de reliquaries (mbumba) et d’amulettes (muswinga). Les kisi et les mbumba étaient entreposés dans des paniers sur les autels de sanctuaires; certains faisaient partie des objets rituels des nganga, les devins-guérisseurs. En lien avec les esprits de la nature et des ancêtres, ces objets connurent un âge d’or à la fin du XVIII siècle à Mayumba, lors du déclin du royaume de Loango, puis une rupture dès 1887 due au phénomène d’acculturation induit par la présence colonial de la France qui entraîna une degradation des coutumes locales des peoples de la côte.” (C. Grand-Dufay, 2015)

Listener
Courtesy, AA.VV. “Art et Artisanat Tsogho”. RELIQUAIRE, mbumba, h. 17 cm ; diam. panier = 31 cm, provenance: près de Fougamou (Ngounié, centre Gabon).
Fonctions ou utilisations: est placé dans une chambre secrète du temple du culte de Bwété. Les grands initiés lui font des offrandes et des prières pour que le néophyte ait facilement des visions de l’au-delà. Matériaux : bois de gésanga (Ricinodendron qfiicanum Muell. Arg.) coloré à la sciure rouge de padouk tsingo. Ossements enveloppés d’une plaque de cuivre attachée avec des lianes kotaghota. Panier de rotin commun (Eremospatha Cabrae De Wild).

Nommée mbumba (“arc-en-ciel”), la statue Loumbo qui les domine se caractérise par un visage féminin à la beauté idéalisée, polychrome, aux yeux incrustés de fragments de miroir, réminiscences de la statuaire Kongo, paré d’une large coiffe en casque à couvre-nuque, striée de nattes et séparée par un sillon median rehaussé de ocre rouge.
Branly 32 cm
cm 46

De forme longiligne, le cou et le tronc sont cylindriques. Les bras, aux mains schématisées, détachés du corp, sont tendus en avant sous la poitrine pointue.Des trous aux mains et au front servaient à des ornements rapportés.

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Le culte des ancêtres et des statues reliquaires étaient très actif dans le sud-ouest du Gabon, région de Tchibanga, où l’on venait leur faire des offrandes.
Il était fréquent qu’au décès du Nganga (s’il n’avait pas de successeur), la statuette mbumba bwiti soit inhumée avec lui, ce qui explique le corpus très très restreint de ces œuvres.

 

Lumbu (2)
Figure de reliquaire Loumbo, mbumba bwiti, Région de Tchibanga, Gabon sud-ouest. Bois, kaolin, pigments couleur, miroir, éléments végétaux du panier- reliquaire
Hauteur: 43 cm, coll. Zurich, Suisse

Lumbu profilo

Une figure très puissante, la mbumba. P. Birinda écrite:

“Le fétiche de M’Boumba est formellement interdit par le Bouity (Bwiti), mais, [ … ]pour user de la puissance de M’Boumba (mbumba), il faut posséder les plus hautes sciences spirituelles être Moussoumbi, maître en Muniambi, qui n’est pas une «religion», mais une «science» qui a une «doctrine commune» avec le Bouity et qui donne leur pouvoir aux «rois>.

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Bibliographie

-Gollnhofer O. et Sillans R: Recherche sur le mysticisme des Mitsogo peuple de montagnards du Gabon central Afrique equatoriale in D. ZAHAN éd Réincarnation et vie mystique en Afrique noire Colloque de Strasbourg 16-18 mai 1963,) Paris 1965 pp 143-173.
-Gaulme F. Le Bwiti chez les Nkomi: association cultuelles et évolution historique sur le littoral gabonais In: Journal des africanistes, 1979, tome 49, fascicule 2. pp. 37-87.
-Binet J., Gollnhofer O., Sillans R. Textes religieux du Bwiti-fan et de ses confréries prophétiques dans leurs cadres rituels.. In: Cahiers d’études africaines, vol. 12, n°46, 1972. pp. 197-253.
-Birinda P., La Bible secrète des Noirs selon le Bouity, pag.110, Paris, 1952
-Gollnhofer O., Sillans R., Sallée P., Perrois L. Art et Artisanat Tsogho, Orstom, 1975
-Falgayrettes-Leveau C., Gabon, presence des esprits, pp. 130-141, Dapper éd. Paris, 2006)
-Grand-Daufy C., La statuaire lumbu. Une art tout en finesse révélé au débout du XX siècle, in Tribal Art, pp. 114-127, n. 77, Automne 2015

 

Lumbu testa

Elio Revera

Description des sculptures, de gauche à droite, de haut en bas. Courtesy:
Coll. particulière, 46 cm, Milan, Italie
Coll. quai Branly, 32 cm, photo CI.B. Hatala
ex Coll. H. Goldet, 65,5 cm, photo T. Goldet
Coll. P. Amrouche, 54 cm, photo B. Veignant

 

Lumbu retro

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